By Holy See Mission
Intervention
prononcée par S.E. Mgr Giampaolo Crepaldi,Secrétaire du Conseil
Pontifical Justice et Paix43ème
session de la Commission du développement socialSéance plénière de
haut niveauNew York, 11 février
2005Monsieur le
Président,1. Il y aura bientôt dix ans, à Copenhague, le
Secrétaire d'Etat du Saint-Siège affirmait: "le Saint-Siège se
réjouit que, depuis la formulation des principes de la
Déclaration de ce Sommet, soit souligné l'engagement à
promouvoir une conception de développement social qui soit «politique,
économique, éthique et spirituelle»".Je tiens à confirmer aujourd'hui la validité de cette
affirmation dans le cadre spécifique de la lutte pour
l'élimination de la pauvreté.2. Depuis lors, selon un raisonnable désir
d'efficacité, le concept de développement social a perdu cette
qualité d'être une notion qui embrasse tout. Les responsables
des nations ainsi que les spécialistes se sont tournés vers
une approche de l'éradication de la pauvreté qui se base plutôt
sur la réalisation de résultats économiques mesurables.
C'est ce que reflète aussi en bonne partie la perspective des
Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui sont
formulés sur la base d'indicateurs quantitatifs. Or, si ces
indicateurs font part de l'engagement positif de la communauté
internationale dans ce secteur, ils risquent de faire concentrer
les efforts sur l'achèvement de résultats quantitatifs à court
terme au détriment de la qualité du travail pour le
développement qui exige, par contre, la patience du partage, de
l'éducation et de la participation.3. Il est vrai, d'autre part, qu'une accélération
est nécessaire: certaines régions n'atteindront le but de
réduire de moitié leurs populations qui vivent dans l'extrême
pauvreté que dans un siècle et demi! D'ailleurs, comme il a été
affirmé de façon qualifiée, certains pays se trouvent pris dans
le piège de la pauvreté: trop pauvres pour générer
l'épargne interne et par conséquence la croissance, ils le sont
aussi pour attirer les investissements étrangers directs… Pour
que leur développement soit finalement en mesure de démarrer, il
leur faut ce qui a été défini un "big push" dans les
investissements publics.4. Il faut reconnaître que la communauté
internationale étudie de plus en plus les manières d'imprimer
ce big push, mais faut-il encore qu'elle les réalise.A Monterrey, les pays riches se sont engagés à porter
effectivement l'aide publique au développement à 0,7% de
leur Produit national (PNB). Mais, là encore, il est nécessaire
non seulement que ce pourcentage soit effectivement atteint - et
on en est encore loin - mais qu'il soit consacré directement à
l'élimination de la pauvreté.Des progrès ont été faits par rapports à la question
de la dette internationale des pays pauvres, et là encore
il faut persévérer dans les efforts pour une solution équitable
et définitive.Mais c'est dans le domaine des nouvelles formes de
financement que certains pays donateurs sont vraiment en
train de donner preuve d'imagination et de bonne volonté. Des
initiatives telles que la International Finance Facility
ou les approches par le biais de la fiscalité internationale
méritent d'être approfondies avec une attitude positive et
réaliste et, le cas échéant, mises en œuvre avec sollicitude.En effet, ce big push, dont les économies des
pays pauvres ont besoin avec urgence, doit être additionnel,
concessionnel, sûr et régulier, quatre exigences incontournables
respectées par les mécanismes que je viens de mentionner.
D'autre part, pour que cette grande poussée soit efficace, il
faudra, dans les pays receveurs, mettre en place des stratégies
adéquates d'interventions publiques qui visent l'ensemble des
secteurs dont les gouvernements sont directement responsables et
veiller, en même temps, à l'amélioration de la gouvernance.5. Pour revenir au point de départ de mon
intervention, je voudrais maintenant souligner le fait que nous
nous trouvons devant un véritable défi: celui de travailler
concrètement à la réalisation de résultats économiques positifs
pour éliminer la pauvreté et sauvegarder, en même temps, la
conception du développement social qui était celle de Copenhague.A cette fin, il s'avère nécessaire d'affiner les
outils et les méthodes d'étude des dynamiques de pauvreté.
Celles-ci ne bénéficient pas, en effet, d'instruments aussi
perfectionnés que ceux dont dispose l'examen de l'état de
pauvreté. Seul un développement social qui parte d'en bas aura
des racines fortes et robustes.En outre, s'il est vrai qu'il a été maintes fois
déclaré, au cours des dernières décennies, que l'éradication de
la pauvreté est devenu un impératif moral, on gagnerait, en vue
de sa réalisation, à la considérer effectivement comme un
bien public global primaire. De telle manière, sera reconnue
la nécessité de coûts supplémentaires pour faire face au
phénomène de free-riding qui accompagne la recherche de
satisfaction de tout bien public, tant national qu'international.Enfin, Monsieur le Président, je voudrais souligner
que ce défi ne pourra être relevé tant qu'une condition morale
ne sera pas remplie. Il s'agit de la création, au niveau
international, du sens de la justice sociale qui semble
actuellement faire encore défaut.Pour cela, il est nécessaire de dépasser les
catégories de l'"intérêt commun", du "bénéfice mutuel"
auxquelles s'inspirent actuellement les politiques de l'aide au
développement ou du financement du développement. C'est
justement dans cette perspective que la volonté politique
nécessaire pour donner cours, par exemple, aux formes de
financement envisagées par la fiscalité internationale, peut
être créée. Si dans l'immédiat et d'un point de vue pratique il
est raisonnable de présenter ces mécanismes comme un système de
fiscalité de financement, il faut travailler afin qu'ils soient
conçus comme étant l'_expression de la justice sociale
internationale qui tend à rétablir l'équité entre les peuples.
Au niveau international aussi, il faut viser l'objectif qui est
propre aux revenus fiscaux et à la dépense publique nationaux,
c'est-à-dire, celui d'être non seulement des instruments de
développement, mais aussi de solidarité.En d'autres termes, il faut que, même au delà des
frontières nationales, ceux qui ont plus, se sentent
responsables des plus faibles et prêts à partager avec eux ce
qu'ils possèdent.Je vous remercie Monsieur le Président.
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